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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 20:51
Le Pape François à Auschwitz-Birkenau, le silence et la prière

La force seule de la prière. Sur la place d’appel du camp d’Auschwitz ; dans la cellule de saint Maximilien Kolbe, tué il y a 75 ans après avoir pris la place d’un père de famille ; le long des stèles du monument des nations, à Birkenau, qui rappelle le 1,1 million de victimes, principalement juives, assassinées ici : François a choisi la prière et le silence lors de sa visite au camp d’Auschwitz-Birkenau, vendredi 29 juillet.

Une prière pour les hommes et pour demander pardon. « Seigneur, prend pitié de ton peuple. Seigneur, pardon pour tant de cruauté », a-t-il écrit dans le livre d’or du Mémorial d’Auschwitz, après avoir longuement salué onze survivants. L’une avait deux ans quand elle est entrée dans le camp en 1944.

Le Pape François à Auschwitz-Birkenau, le silence et la prière
Le Pape François à Auschwitz-Birkenau, le silence et la prière
Le Pape François à Auschwitz-Birkenau, le silence et la prière
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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 20:24
Discours du pape lors du chemin de croix des JMJ 2016, à Blonia (Pologne), vendredi 29 juillet.

« J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi. » (Mt 25, 35-36).

Ces paroles de Jésus répondent à l’interrogation qui résonne souvent dans notre esprit et dans notre cœur : « Où est Dieu ? ». Où est Dieu, si dans le monde il y a le mal, s’il y a des hommes qui ont faim, qui ont soif, sans toit, des déplacés, des réfugiés ? Où est Dieu, lorsque des personnes innocentes meurent à cause de la violence, du terrorisme, des guerres ? Où est Dieu, lorsque des maladies impitoyables rompent des liens de vie et d’affection ? Ou bien lorsque les enfants sont exploités, humiliés, et qu’eux aussi souffrent à cause de graves pathologies ? Où est Dieu, face à l’inquiétude de ceux qui doutent et de ceux qui sont affligés dans l’âme ? Il existe des interrogations auxquelles il n’y a pas de réponses humaines. Nous ne pouvons que regarder Jésus, et l’interroger lui. Et voici la réponse de Jésus : “Dieu est en eux”, Jésus est en eux, il souffre en eux, profondément identifié à chacun. Il est si uni à eux, presque au point de former “un seul corps”.

« Sans miséricorde on ne peut rien faire »

Jésus a choisi lui-même de s’identifier à ces frères et sœurs éprouvés par la douleur et par les angoisses, en acceptant de parcourir le chemin douloureux vers le calvaire. Lui, en mourant sur la croix, se remet entre les mains du Père et porte sur lui et en lui, avec un amour qui se donne, les plaies physiques, morales et spirituelles de l’humanité entière. En embrassant le bois de la croix, Jésus embrasse la nudité et la faim, la soif et la solitude, la douleur et la mort des hommes et des femmes de tous les temps. Ce soir, Jésus, et nous avec lui, embrasse avec un amour spécial nos frères syriens, qui ont fui la guerre. Nous les saluons et nous les accueillons avec une affection fraternelle et avec sympathie.

En parcourant de nouveau la Via Crucis de Jésus, nous avons redécouvert l’importance de nous configurer à lui, à travers les 14 œuvres de miséricorde. Elles nous aident à nous ouvrir à la miséricorde de Dieu, à demander la grâce de comprendre que sans miséricorde on ne peut rien faire, sans miséricorde, moi, toi, nous tous, nous ne pouvons rien faire. Regardons d’abord les sept œuvres de miséricorde corporelle : donner à manger à ceux qui ont faim ; donner à boire à ceux qui ont soif ; vêtir celui qui est nu ; offrir l’hospitalité aux pèlerins, visiter les malades ; visiter les détenus ; ensevelir les morts. Nous avons reçu gratuitement, donnons gratuitement. Nous sommes appelés à servir Jésus crucifié dans chaque personne marginalisée, à toucher sa chair bénie dans celui qui est exclu, qui a faim, qui a soif, qui est nu, détenu, malade, sans travail, persécuté, déplacé, migrant. Nous trouvons là notre Dieu, nous touchons là le Seigneur. Jésus lui-même nous l’a dit, en expliquant quel sera le “protocole” sur la base duquel nous serons jugés : chaque fois que nous aurons fait cela au plus petit de nos frères, c’est à lui que nous l’aurons fait (cf. Mt 25, 31-46).

« Le Chemin de la croix est celui du bonheur de suivre le Christ jusqu’au bout »

Les œuvres de miséricorde corporelle sont suivies des œuvres de miséricorde spirituelle : conseiller ceux qui sont dans le doute, instruire les ignorants, exhorter les pécheurs, consoler les affliger, pardonner les offenses, supporter avec patience les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts. Dans l’accueil du marginalisé qui est blessé dans son corps, dans l’accueil du pécheur qui est blessé dans son âme, se joue notre crédibilité en tant que chrétiens.

Aujourd’hui, l’humanité a besoin d’hommes et de femmes, et de manière particulière de jeunes comme vous, qui ne veulent pas vivre leur vie “à moitié”, des jeunes prêts à consacrer leur vie au service gratuit des frères les plus pauvres et les plus faibles, à imitation du Christ, qui s’est donné tout entier pour notre salut. Face au mal, à la souffrance, au péché, l’unique réponse possible pour le disciple de Jésus est le don de soi, y compris de la vie, à imitation du Christ ; c’est l’attitude du service. Si quelqu’un, qui se dit chrétien, ne vit pas pour servir, sa vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Par sa vie, il renie Jésus Christ.

Ce soir, chers jeunes, le Seigneur vous renouvelle l’invitation à devenir des protagonistes dans le service ; il veut faire de vous une réponse concrète aux besoins et à la souffrance de l’humanité ; il veut que vous soyez un signe de son amour miséricordieux pour notre temps ! Pour accomplir cette mission, il vous indique le chemin de l’engagement personnel et du sacrifice de vous-mêmes : c’est le Chemin de la croix. Le Chemin de la croix est celui du bonheur de suivre le Christ jusqu’au bout, dans les circonstances souvent dramatiques de la vie quotidienne ; c’est le chemin qui ne craint pas les échecs, les marginalisations ou la solitude, parce qu’il remplit le cœur de l’homme de la plénitude de Jésus. Le Chemin de la croix est celui de la vie et du style de Dieu, que Jésus fait parcourir y compris par des sentiers d’une société parfois divisée, injuste et corrompue.

Le Chemin de la croix est l’unique qui vainc le péché, le mal et la mort, parce qu’il débouche sur la lumière radieuse de la résurrection du Christ, en ouvrant les horizons de la vie nouvelle et pleine. C’est le Chemin de l’espérance et de l’avenir. Celui qui le parcourt avec générosité et avec foi, donne espérance et avenir à l’humanité.

Chers jeunes, ce Vendredi saint là, beaucoup de disciples sont retournés tristes dans leurs maisons, d’autres ont préféré aller à la maison de campagne pour oublier la croix. Je vous pose la question : comment voulez-vous retourner ce soir dans vos maisons, dans vos lieux d’hébergement ? comment voulez-vous retourner ce soir pour vous rencontrer avec vous-mêmes ? Il revient à chacun de vous de répondre au défi de cette question. »

Discours du pape lors du chemin de croix des JMJ 2016, à Blonia (Pologne), vendredi 29 juillet.
Discours du pape lors du chemin de croix des JMJ 2016, à Blonia (Pologne), vendredi 29 juillet.
Discours du pape lors du chemin de croix des JMJ 2016, à Blonia (Pologne), vendredi 29 juillet.
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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 20:08
Homélie du pape François lors de la messe au sanctuaire de Czestochowa (Pologne)

DOCUMENT – Homélie du pape François lors de la messe au sanctuaire de Czestochowa (Pologne) lors des Journées Mondiales de la Jeunesse de Cracovie, le 28 juillet.

Le pape François au sanctuaire de Czestochowa (Pologne) lors des Journées Mondiales de la Jeunesse de Cracovie, le 28 juillet. / WOJTEK RADWANSKI/AFP

« Des lectures de cette Liturgie émerge un fil divin, qui passe par l’histoire humaine et tisse l’histoire du salut.

L’apôtre Paul nous parle du grand dessein de Dieu : « Lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme » (Ga 4, 4). Toutefois, l’histoire nous dit que lorsqu’est venue cette “plénitude des temps”, c’est-à-dire lorsque Dieu s’est fait homme, l’humanité n’était pas particulièrement bien disposée et il n’y avait même pas une période de stabilité et de paix : il n’y avait pas un “âge d’or”. La scène de ce monde ne méritait donc pas la venue de Dieu, tout au contraire, « les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1, 11). La plénitude des temps a été alors un don de grâce : Dieu a rempli notre temps de l’abondance de sa miséricorde ; par pur amour, il a inauguré la plénitude des temps.

Surtout, la manière dont se réalise la venue de Dieu dans l’histoire est frappante : “né d’une femme”. Aucune entrée triomphale, aucune manifestation imposante du Tout-Puissant : il ne se montre pas comme un soleil éblouissant, mais il entre dans le monde de la manière la plus simple, comme un enfant de sa mère, de cette manière dont nous parle l’Écriture : comme pluie sur la terre (cf. Is 55, 10), comme la plus petite des semences qui germe et grandit (cf. Mc 4, 31-32). Ainsi, contrairement à ce à quoi nous nous attendrions et que peut-être nous voudrions, le Royaume de Dieu, maintenant comme autrefois, « n’est pas observable » (Lc 17, 20), mais vient dans la petitesse, dans l’humilité.

L’Évangile d’aujourd’hui reprend ce fil divin qui traverse délicatement l’histoire : de la plénitude des temps, nous passons au “troisième jour” du ministère de Jésus (cf. Jn 2, 1) et à l’annonce du “maintenant” du salut (cf. v. 4). Le temps se resserre, et la manifestation de Dieu s’accomplit toujours dans la petitesse. Tel fut “le commencement des signes que Jésus accomplit” (v. 11) à Cana de Galilée. Il n’y a pas un geste éclatant accompli devant la foule, et même pas une intervention qui résout une question politique brûlante, comme la soumission du peuple à la domination romaine. Plutôt, dans un petit village, un miracle simple est accompli, qui réjouit le mariage d’une jeune famille, tout à fait anonyme.

Pourtant, l’eau changée en vin à la fête de noces est un grand signe, parce qu’elle nous révèle le visage nuptial de Dieu, d’un Dieu qui se met à table avec nous, qui rêve et qui réalise la communion avec nous. Elle dit que le Seigneur ne maintient pas la distance, mais qu’il est proche et concret, qu’il est au milieu de nous et prend soin de nous, sans décider à notre place et sans s’occuper de questions de pouvoir.

Il aime à se faire contenir dans ce qui est petit, contrairement à l’homme, qui tend à vouloir posséder quelque chose de toujours plus grand. Être attiré par la puissance, par la grandeur et par la visibilité est tragiquement humain, et constitue une grande tentation qui cherche à s’introduire partout ; se donner aux autres, supprimer les distances, en demeurant dans la petitesse et en habitant concrètement le quotidien, est typiquement divin.

Dieu nous sauve donc en se faisant petit, proche et concret. Avant tout, Dieu se fait petit. Le Seigneur, « doux et humble de cœur » (Mt 11, 29), préfère les petits, auxquels est révélé le Royaume de Dieu (Mt 11, 25) ; ils sont grands à ses yeux et il tourne son regard vers eux (cf. Is 66, 2). Il a une prédilection pour eux, parce qu’ils s’opposent à l’“arrogance de la vie”, qui vient du monde (cf. 1Jn 2, 16). Les petits parlent la même langue que lui : l’amour humble qui rend libre.

Voilà pourquoi il appelle des personnes simples et disponibles pour être ses porte-parole, et il leur confie la révélation de son nom ainsi que les secrets de son cœur. Pensons aux nombreux fils et filles de votre peuple : aux martyrs, qui ont fait resplendir la force sans défense de l’Évangile ; aux gens simples mais extraordinaires qui ont su témoigner de l’amour du Seigneur au sein de grandes épreuves ; aux annonciateurs doux et forts de la Miséricorde, tels que saint Jean-Paul II et sainte Faustine. À travers ces “canaux” de son amour, le Seigneur a fait parvenir d’inestimables dons à toute l’Église et à l’humanité entière. Et il est significatif que cet anniversaire du Baptême de votre peuple coïncide précisément avec le Jubilé de la Miséricorde.

En outre, Dieu est proche, son Royaume est proche (cf. Mc 1, 15) : le Seigneur ne désire pas être craint comme un souverain puissant et distant, il ne veut pas rester sur un trône au ciel ou dans les livres d’histoire, mais il aime se glisser dans nos événements quotidiens, pour cheminer avec nous.

En pensant au don d’un millénaire riche de foi, il est beau de remercier avant tout Dieu, qui a cheminé avec votre peuple, en le prenant par la main et en l’accompagnant dans de nombreuses situations. Voilà ce que, également comme Église, nous sommes appelés à faire toujours : écouter, nous impliquer, nous faire proches, en partageant les joies et les peines des gens, en sorte que l’Évangile passe de la manière la plus cohérente et qu’il porte davantage de fruit : par un rayonnement positif, à travers la transparence de la vie.

Enfin, Dieu est concret. Des lectures d’aujourd’hui il ressort que tout, dans l’agir de Dieu, est concret : la Sagesse divine “œuvre comme un artisan” et “joue” (cf. Pr 8, 30), le Verbe s’est fait chair, il naît d’une mère, il naît sous la loi (cf. Ga 4, 4), il a des amis et participe à une fête : l’éternel se communique en passant du temps avec des personnes et dans des situations concrètes.

Votre histoire également, pétrie de l’Évangile, de la Croix et de la fidélité à l’Église, a vu la contagion positive d’une foi authentique, transmise de famille en famille, de père en fils, et surtout par les mamans et par les grands-mères, qu’il faut beaucoup remercier. En particulier, vous avez pu toucher de la main la tendresse concrète et pleine de sollicitude de la Mère de tous, que je suis venu ici vénérer en tant que pèlerin et que nous avons saluée dans le Psaume comme « honneur de notre peuple » (Jdt15, 9).

C’est justement vers elle que nous, ici réunis, nous tournons le regard. En Marie, nous trouvons la pleine correspondance au Seigneur : au fil divin se noue ainsi dans l’histoire un “fil marial”. S’il y a quelque gloire humaine, quelque mérite de notre part dans la plénitude des temps, c’est elle : c’est elle cet espace, demeuré libre du mal, où Dieu s’est reflété ; c’est elle l’échelle que Dieu a parcourue pour descendre jusqu’à nous et se faire proche et concret ; c’est elle le signe le plus clair de la plénitude des temps.

Dans la vie de Marie, nous admirons cette petitesse aimée par Dieu, qui « s’est penché sur son humble servante » et qui « a élevé les humbles » (Lc 1, 48.52). Il s’est tant complu en elle qu’il s’est laissé tisser la chair en elle, en sorte que la Vierge est devenue Mère de Dieu, comme le proclame une hymne très ancienne, que vous chantez depuis des siècles. À vous, qui sans interruption, venez à elle, en accourant dans cette capitale spirituelle du pays, qu’elle continue d’indiquer la voie, et qu’elle vous aide à tisser, dans la vie, la trame humble et simple de l’Évangile.

À Cana, comme ici à Jasna Góra, Marie nous offre sa proximité, et elle nous aide à découvrir ce qui manque à la plénitude de la vie. Maintenant comme autrefois, elle le fait avec un empressement de Mère, par la présence et le bon conseil, nous enseignant à éviter les décisions sans consultation et les murmures dans nos communautés. En tant que Mère de famille, elle veut nous protéger ensemble. Le chemin de votre peuple a surmonté, dans l’unité, tant de moments difficiles ; que la Mère, forte aux pieds de la croix et persévérante dans la prière avec les disciples dans l’attente de l’Esprit Saint, infuse le désir d’aller au-delà des torts et des blessures du passé, et de créer la communion avec tous, sans jamais céder à la tentation de s’isoler et de s’imposer.

La Vierge, à Cana, a été très concrète : c’est une Mère qui prend à cœur les problèmes et intervient, qui sait se rendre compte des moments difficiles et y pourvoir avec discrétion, efficacité et détermination. Elle n’est pas patronne ni protagoniste, mais Mère et servante. Demandons la grâce de faire nôtre sa disponibilité, sa créativité au service de celui qui est dans le besoin, la beauté de consacrer sa vie aux autres, sans préférences ni distinctions. Elle, cause de notre joie, qui apporte la paix dans l’abondance du péché et dans les turbulences de l’histoire, qu’elle nous obtienne la surabondance de l’Esprit, pour être de bons et fidèles serviteurs.

Par son intercession que la plénitude des temps se renouvelle aussi pour nous. Le passage entre l’avant et l’après Christ sert à peu de choses, s’il demeure une date dans les annales de l’histoire. Que puisse s’accomplir, pour tous et pour chacun, un passage intérieur, une Pâques du cœur vers le style divin incarné par Marie : œuvrer dans la petitesse et accompagner de près, d’un cœur simple et ouvert.

Homélie du pape François lors de la messe au sanctuaire de Czestochowa (Pologne)
Homélie du pape François lors de la messe au sanctuaire de Czestochowa (Pologne)
Homélie du pape François lors de la messe au sanctuaire de Czestochowa (Pologne)
Homélie du pape François lors de la messe au sanctuaire de Czestochowa (Pologne)
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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 17:53
Lire l'homélie du pape lors de la messe du 31 juillet
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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 17:48
Lire le discours du pape lors de la veillée du samedi 30 juillet
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31 juillet 2016 7 31 /07 /juillet /2016 21:02
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31 juillet 2016 7 31 /07 /juillet /2016 20:50
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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 14:48
Quatrième prédication de Carême-père Cantalemessa

Le père Raniero Cantalemessa, prédicateur de la Maison pontificale, a présenté ce vendredi matin, 11 mars 2016, le quatrième volet de ses prédications du Carême. Il a axé cette fois sa réflexion sur la Constitution conciliaire Gaudium et Spes.

En voici la traduction intégrale (réalisée par Zenit) :

Quatrième prédication de Carême

Mariage et famille

Dans Gaudium et Spes et aujourd’hui

Je consacre cette méditation à une réflexion spirituelle sur Gaudium et Spes, la constitution pastorale sur l’Église dans le monde. De tous les problèmes traités dans ce texte conciliaire – culture, économie, justice sociale, paix –, celui sur le mariage et la famille est le plus actuel et le plus problématique. L’Église lui a consacré les deux derniers synodes des évêques. La majorité d’entre nous, ici, ne vit pas directement cet état de vie, mais nous devons tous connaître ses problèmes, pour comprendre et aider la très grande majorité du peuple de Dieu qui vit dans le mariage, institution aujourd’hui attaquée et menacée de toutes parts.

Gaudium et Spes parle longuement de la famille au début de la deuxième partie (nr. 46-53). Il ne vaut pas la peine de citer ses affirmations puisqu’elles ne font que réaffirmer la doctrine catholique traditionnelle que nous connaissons tous, mis à part le nouveau relief donné à l’amour réciproque entre époux, désormais reconnu franchement dans le mariage comme un bien, lui aussi essentiel, à côté de la procréation.

A’ propos de mariage et famille, Gaudium et Spes, selon un mode de fonctionnement qu’on lui connaît bien, relève d’abord les conquêtes positives du monde moderne («Les joies et les espoirs»), puis elle passe aux problèmes et dangers («les tristesses et les angoisses»). Je me propose de suivre le même schéma, mais en tenant compte des changements dramatiques survenus, dans ce domaine, au fil de ces cinquante dernières années. Je rappellerai rapidement le projet de Dieu sur le mariage et la famille, car nous chrétiens c’est toujours de là que nous devons partir, avant de voir ce que la révélation biblique peut apporter à la résolution des problèmes actuels. Je m’abstiens volontairement de toucher certains problèmes particuliers discutés durant le synode des évêques, et sur lesquels seul le pape a désormais le droit de dire encore un mot.

1. Mariage et famille dans le projet de Dieu et dans l’Évangile du Christ

Dans le livre de la Genèse, la création du premier couple humain fait l’objet de deux récits distincts qui remontent à deux traditions différentes: la tradition yahviste (X sec av. J.C.) et la plus récente (VI sec. av. J.C.) la tradition dite «sacerdotale» (Gen 1, 26-28). Selon la tradition sacerdotale, l’homme et la femme sont créés en même temps, et non l’un après l’autre ; «l’être» homme et femme est mis en rapport avec «l’être» à l’image de Dieu: «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme». L’homme et la femme doivent s’unir pour être féconds et remplir la terre. C’est l’objectif premier de leur union.

Dans la tradition Yahviste qui est donc la plus ancienne (Gen 2, 18-25), la femme est tirée de l’homme; la création des deux sexes est vue comme un remède contre la solitude («Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra»); plus que le facteur procréatif c’est le facteur unitif qui est mis en avant («l’homme s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un»); chacun est libre face à sa propre sexualité et à celle de l’autre: «Tous les deux, l’homme et sa femme, étaient nus, et ils n’en éprouvaient aucune honte».

Le pourquoi Dieu a «inventé» la distinction des sexes, ce n’est pas chez un exégète que j’ai trouvé l’explication la plus convaincante mais chez un poète, Paul Claudel:

«L’homme est orgueilleux ; il n’y avait pas d’autre moyen de lui faire comprendre le prochain, de le lui entrer dans la chair ; Il n’y avait pas d’autre moyen de lui faire comprendre la dépendance, la nécessité et le besoin, un autre sur lui, la loi sur lui de cet être différent pour aucune autre raison si ce n’est qu’il existe» [1].

S’ouvrir à l’autre sexe est le premier pas qui amène à s’ouvrir à l’autre, à notre prochain, jusqu’à l’Autre avec un "A" majuscule qui est Dieu. Le mariage naît sous le signe de l’humilité ; c’est reconnaitre sa propre dépendance et donc sa condition même de créature. S’éprendre d’une femme ou d’un homme représente le plus radical des actes d’humilité. C’est se faire un mendiant et dire à l’autre : «Je ne me suffis pas à moi-même, j’ai besoin de toi, de ton être». Si, comme le pensait Schleiermacher, l’essence de la religion est le «sentiment de dépendance» (Abhaengigheitsgefuehl) face à Dieu, alors la sexualité humaine est la première école de religion.

Jusqu’ici le projet de Dieu. Mais la suite de la Bible ne s’explique que si, en plus du récit sur la création, on tient compte de celui sur la chute, en particulier de ce qui est dit à la femme: «Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari, et lui te dominera» (Gn 3, 16). La suprématie de l’homme sur la femme fait partie du péché de l’homme, pas du projet de Dieu ; par ces mots Dieu l’annonce, ne l’approuve pas.

La Bible est un livre à la fois divin et humain, pas seulement parce que Dieu et l’homme en sont les auteurs, mais parce qu’il décrit aussi, mêle ensemble, la fidélité de Dieu et l’infidélité de l’homme. Et on le voit très clairement quand on compare le projet de Dieu sur le mariage et la famille et son application concrète dans l’histoire du peuple élu. Pour rester dans le livre de la Genèse, déjà Lamech, le fils de Caïn, enfreint la loi de la monogamie en prenant deux épouses. Noé, avec sa seule famille, semble une exception au milieu de la corruption générale de son époque. Les patriarches Abraham et Jacob ont eux-mêmes des enfants de plusieurs femmes. Moïse sanctionne la pratique du divorce ; David et Salomon entretiennent un véritable harem de femmes.

Plus que dans chaque transgression concrète, ce détachement de l’idéal initial apparaît dans la conception de fond qui est donnée au mariage en Israël. Le détachement principal repose sur deux points essentiels. Premier point: le mariage, autrefois un but, devient un moyen. L’Ancien Testament, dans son ensemble, considère le mariage comme une structure d’autorité de type patriarcal, destinée principalement à perpétuer le clan. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’institution du lévirat (Dt 25, 5-10), celle du concubinage (Gn 16) et de la polygamie provisoire. L’idéal d’une communion de vie entre l’homme et la femme, fondée sur des relations personnelles et réciproques, n’est pas oublié, mais il passe en second plan, après le bien des enfants. L’autre grave point noir de ce détachement touche la condition féminine : la femme, jadis compagne de l’homme et dotée des mêmes droits, apparaît de plus en plus subordonnée à l’homme et en fonction de lui.

Les prophètes – en particulier Osée, Isaïe et Jérémie – et le Cantique des cantiques, jouèrent un rôle important dans le maintien du projet initial de Dieu sur le mariage. En reconnaissant l’union de l’homme et de la femme comme symbole de l’alliance entre Dieu et son peuple, ils remettaient automatiquement au premier plan les valeurs de l’amour mutuel, de la fidélité et de l’indissolubilité qui caractérisent l’attitude de Dieu envers Israël.

Jésus, venu «récapituler» l’histoire humaine, le fait également à propos du mariage.

«Des pharisiens s’approchèrent de lui pour le mettre à l’épreuve ; ils lui demandèrent : "Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme pour n’importe quel motif ?" Il répondit : "N’avez-vous pas lu ceci ? Dès le commencement, le Créateur les fit homme et femme et dit : À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas!"» (Mt 19,3-6).

Les adversaires évoluent dans le domaine restreint de la casuistique (est-il permis de renvoyer sa femme pour n’importe quel motif ou bien faut-il un motif précis et sérieux pour le faire ?), Jésus répond en reprenant le problème à la racine, depuis le début. Dans sa citation, Jésus renvoie aux deux récits sur l’institution du mariage, prend des éléments de l’un et de l’autre, mais, on le voit, en soulignant un aspect présent dans les deux : la communion des personnes.

Ce qui suit dans le texte, sur le problème du divorce, va dans le même sens; réaffirme en effet la fidélité et l’indissolubilité des liens du mariage au-dessus du bien-même de la descendance, avec lequel on justifiait jadis la polygamie, le lévirat et le divorce:

«Les pharisiens lui répliquent : "Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit la remise d’un acte de divorce avant la répudiation ?" Jésus leur répond : "C’est en raison de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes. Mais au commencement, il n’en était pas ainsi. Or je vous le dis : si quelqu’un renvoie sa femme – sauf en cas d’union illégitime – et qu’il en épouse une autre, il est adultère.» (Mt 19, 7-9).

Dans un texte parallèle, Marc montre que, même en cas de divorce, l’homme et la femme doivent être mis, selon Jésus, sur un même plan d’égalité absolue: «Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle et si une femme quitte son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère» (Mc 10, 11-12).

En disant «donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas !», Jésus affirme qu’il y a une intervention directe de Dieu dans chaque union matrimoniale. L’élévation du mariage au rang de «sacrement», c’est-à-dire signe d’une action de Dieu, ne repose donc pas uniquement sur le faible argument de la présence de Jésus aux noces de Cana et sur les propos d’Ephésiens qui voient dans le mariage le reflet de l’union entre Jésus Christ et l’Eglise (cf. Ep 5, 32); elle commence, implicitement, avec Jésus sur terre et fait partie de sa manière de rapporter les choses au début. Jean-Paul II dit du mariage qu’il est «le plus ancien des sacrements» [2].

2. Ce que nous dit l’enseignement biblique aujourd’hui

C’est du ressort de la doctrine biblique mais, comme je le disais, nous ne pouvons pas nous attarder dessus. «L'Écriture sainte, disait saint Grégoire le Grand, d'une certaine manière, croît avec ceux qui la lisent» (cum legentibus crescit) [3]; révèle de nouvelles implications à chaque nouvelle question qu’on lui pose. Et aujourd’hui des questions, ou des provocations, sur le mariage et la famille il y en a beaucoup.

Nous sommes confrontés à une contestation apparemment globale face au projet biblique sur la sexualité, le mariage et la famille. Comment se comporter devant cet inquiétant phénomène? Le Concile a inauguré une nouvelle méthode qui est celle du dialogue et non de l’affrontement avec le monde; une méthode où même l’autocritique n’est pas exclue. Nous devons, je crois, aussi appliquer cette méthode aux problèmes liés au mariage et à la famille. Et l’appliquer veut dire chercher à voir si, au fond, il n’y a pas du positif à tirer des contestations les plus radicales.

La critique du modèle traditionnel relatif au mariage et à la famille a commencé avec le siècle des Lumières et le romantisme, conduisant aujourd’hui à des propositions de déconstruction inacceptables. Même si les intentions n’étaient pas les mêmes, les deux mouvements se sont exprimés contre le mariage traditionnel parce qu’ils ne voyaient en lui que ses « buts » objectifs - les enfants, la société, l’Église – et non, ou trop peu, sa valeur subjective et interpersonnelle. On demandait de tout aux futurs époux sauf de s’aimer et de se choisir librement. Encore aujourd’hui, dans certaines régions du monde il y a des époux qui ne se connaissent, ne se voient, que le jour de leurs noces. Le mariage des Lumières va contre ce modèle et prend la forme d’un pacte, le mariage romantique, la forme d’une "communion d’amour" entre les époux.

Mais cette critique va dans le sens originel de la Bible, pas contre elle ! Le Concile Vatican II l’a compris quand il a reconnu, comme je disais, que dans le mariage, l’amour réciproque et l’aide entre époux étaient des biens essentiels. Saint Jean Paul II, en ligne avec Gaudium et Spes, dans une de ses catéchèses du mercredi, disait:

«Le corps humain, par son sexe, par sa masculinité et par sa féminité,... est non seulement source de fécondité et de procréation comme dans tout l’ordre naturel mais contient depuis l’origine l’attribut sponsal , c’est-à-dire la capacité d’exprimer l’amour : cet amour dans lequel précisément l’homme-personne devient don et — par l’intermédiaire de ce don — réalise le sens même de son être et de son existence» [4].

Dans son encyclique Deus Caritas est, le Pape Benoît XVI a écrit de choses profondes à propos de l’éros dans le mariage et dans les rapports entre Dieu et l’homme. «Ce lien étroit entre éros et mariage dans la Bible – écrivait-il - ne trouve pratiquement pas de parallèle en dehors de la littérature biblique» [5]. Un des plus gros torts que nous avons fait à Dieu est d’avoir fini par faire de tout ce qui concerne l’amour et la sexualité un domaine saturé de malice, dans lequel Dieu ne doit pas entrer, et où il est de trop. Comme si Satan, et non Dieu, était le créateur des sexes et le spécialiste de l’amour.

Nous croyants – mais aussi tant de non croyants – nous sommes loin d’accepter les conséquences que certains tirent aujourd’hui de ces principes: par exemple que n’importe quel éros suffit à constituer un mariage, y compris entre des personnes de même sexe, mais ce refus acquiert une autre force et crédibilité si on reconnaît en même temps le fond de bonté de cette instance, et l’accompagnons d’une saine autocritique.

Nous ne saurions en effet passer sous silence l’aide qu’ont apporté les chrétiens dans la formation de cette vision purement objectiviste du mariage contre laquelle la culture moderne occidentale s’est insurgée avec véhémence. L’autorité d’Augustin, renforcée sur ce point par Thomas d’Aquin, avait fini par jeter une lumière négative sur l’union charnelle des époux, considérée le canal de transmission du péché originel et non privée, elle-même, de péché «au moins véniel». Selon le docteur d’Hippone, les époux devaient arriver à l’acte conjugal «avec chagrin» (cum dolore) et uniquement parce qu’il n’existait pas d’autre moyen que celui-ci pour donner des citoyens à l’État et des membres à l’Église [6].

Nous pouvons faire nôtre une autre conquête moderne, l’égale dignité de la femme dans le mariage. Celle-ci est, comme nous l’avons vu, au cœur du projet originel de Dieu et de la pensée du Christ mais a presque toujours été ignorée. La parole de Dieu à Ève: «Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui te dominera», s’est tragiquement avéré dans l’histoire.

Chez les représentants de la soi-disant "Gender Revolution" (la révolution des genres), cette question a entraîné des propositions folles, comme abolir la distinction des sexes et la remplacer par la distinction des «genres» (masculin, féminin, variable), plus élastique et subjective, ou celle de libérer la femme de «l'esclavage de la maternité», en offrant de nouveaux moyens, inventés par l'homme, pour faire naître des enfants. On ne compte plus, ces derniers mois, les nouvelles d’hommes qui pourront bientôt donner naissance à un enfant. «Adam donne vie à Eve», écrit-on en souriant, alors qu’il y aurait de quoi pleurer. Nos anciens auraient eu un seul mot pour définir cela: Hybris, arrogance de l’homme envers Dieu.

Le choix même du dialogue et de l’autocritique nous donne le droit de dénoncer ces projets comme étant «inhumains», c'est-à-dire contraires non seulement à la volonté de Dieu, mais au bien de l'humanité. Appliqués à grande échelle, ces projets provoqueraient des dégâts humains et sociaux insoupçonnés. Notre seule espérance c’est que le bon sens de chacun, uni au «désir» naturel de l'autre sexe, et à l’instinct de maternité et de paternité que Dieu a inscrit dans la nature humaine, résistera à ces tentatives de se substituer à Dieu. Ces tentatives sont bien plus le résultat d’un sentiment de culpabilité tardif chez l'homme, que de pur respect et d’amour envers la femme.

3. Un idéal à redécouvrir

Pour les chrétiens, l'engagement à redécouvrir et vivre en plénitude l'idéal biblique du mariage et de la famille n'est pas moins important que l'engagement à le défendre, car il s’agit de proposer cet idéal au monde dans les faits, plus encore que par les mots. Les premiers chrétiens changèrent les lois de l’État sur la famille par leurs coutumes; nous ne saurions imaginer faire aujourd’hui le contraire, autrement dit changer les coutumes avec des lois de l’État, même si en tant que citoyens nous avons le devoir de contribuer à ce que l’État promulgue des lois justes.

Depuis Jésus, nous lisons le récit de la création de l'homme et de la femme à la lumière de la révélation de la Trinité. La phrase : «Dieu créa l'homme à son image ; à l'image de Dieu il le créa ; homme et femme il les créa» (Gen 1, 27) nous révèle enfin son sens, resté énigmatique et incertain avant sa venue. Quel rapport en effet peut-il y avoir entre le fait d’être «à l'image de Dieu» et celui d'être «homme et femme» ? Le Dieu de la Bible n'a pas de connotation sexuelle, il n'est ni homme ni femme.

Voilà en quoi consiste la ressemblance. Dieu est amour et l'amour exige «communion», exige «partage», requiert un «moi» et un «toi». Il n'y a pas d'amour qui ne soit de l’amour pour quelqu'un ; là où il n'y a qu'un seul sujet, il ne peut y avoir d'amour, mais seulement de l’égoïsme ou du narcissisme. Là où Dieu est conçu comme Loi ou comme Puissance absolue, pas besoin d'une pluralité de personnes (on peut être seul à exercer le pouvoir !). Le Dieu révélé par Jésus Christ, parce qu'il est amour, est unique et seul, mais il n'est pas solitaire ; il est un et trine. En lui coexistent l’unité et la différence: unité de nature, de vouloir, d'intentions, et différence dans les caractéristiques et les personnes.

Deux personnes qui s'aiment - et l'amour de l'homme et de la femme dans le mariage en est le plus fort exemple - reproduisent quelque chose de ce qui se produit dans la Trinité. Voilà deux personnes - le Père et le Fils – qui, en s’aimant, produisent («inspirent») l'Esprit qui est l'amour qui les fonde. Quelqu'un a dit: l’Esprit Saint est le «Nous» divin, c'est-à-dire non pas la «troisième personne de la Trinité», mais la première personne plurielle [7]. C'est en cela justement que le couple humain est à l'image de Dieu. Mari et femme, malgré leur diversité de sexe et de personnalité, forment en fait une seule chair, un seul cœur, une seule âme. En eux se réconcilient l’unité et la diversité.

C'est dans cette optique que nous découvrons le sens profond du message des prophètes concernant le mariage humain, symbole et reflet d'un autre amour, celui de Dieu pour son peuple. Il ne s’agissait pas de surcharger de sens mystique une réalité purement mondaine, ni de se limiter à faire du symbolisme, mais de révéler plutôt le véritable visage et le but ultime de la création de l'homme masculin et féminin.

Quelle est la cause de cet inachèvement et de cette insatisfaction que laisse l'union sexuelle, à l'intérieur et en dehors du mariage ? Pourquoi cet élan retombe-t-il toujours sur lui-même et pourquoi cette promesse d'infini et d'éternel reste-t-elle toujours déçue ? On cherche un remède à cette frustration mais celui-ci ne fait que l’accentuer. Au lieu de changer la qualité de l’acte, on pousse sur la quantité, passant d’un partenaire à l’autre. Jusqu’à finir par totalement gâcher ce don de la sexualité que Dieu nous a offert, comme on le voit dans la culture et la société d’aujourd’hui.

Voulons-nous une bonne fois pour toutes, en vrais chrétiens, trouver une explication à ce terrible dysfonctionnement ? L’explication c’est que l’union sexuelle n’est pas vécue comme Dieu aurait voulu. Le but était que l’homme et la femme, à travers l’extase et la fusion d’amour, puissent s’élever jusqu’au désir et connaître comme un avant-goût de l’amour infini ; qu'ils se rappellent d'où ils viennent et vers où ils sont dirigés.

Le péché, à commencer par celui d’Adam et Eve, a traversé ce projet ; a «profané» ce geste, autrement dit l’a dépouillé de sa signification religieuse. Il en a fait une fin en soi, achevée en soi, et donc «insatisfaisante». Le symbole a été détaché de sa réalité symbolisée, a été privé de son dynamisme intrinsèque, donc mutilé. Jamais comme dans ce cas le dicton d’Augustin n’a été aussi vrai: «Tu nous as faits pour toi, ô Dieu, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne repose en toi». En effet, nous n’avons pas été créés pour vivre dans un éternel rapport de couple, mais pour les vivre un eternel rapport avec Dieu, avec l’Absolu. Même Faust de Goethe le découvre, au bout de sa longue recherche. Repensant à son amour pour Marguerite, à la fin du poème, il s’exclame: «Tout ce qui est transitoire n’est que parabole. Ici [au ciel] ce qui ne pouvait être atteint devient réalité» [8].

On retrouve quelque chose du sens originel de l’acte conjugal chez les couples qui témoignent de leur renouvellement par l’Esprit-Saint et vivent la vie chrétienne de manière charismatique. Rien d’étonnant à ce qu’il en soit ainsi. Le mariage est le sacrement du don réciproque que les époux s’échangent l’un et l’autre, et l’Esprit Saint est, dans Trinité, le «don», ou mieux «l’acte de se donner» réciproque entre le Père et le Fil. Pas un acte provisoire, mais un état permanent. Là où arrive l’Esprit Saint, naît ou renaît la capacité de se donner. C’est ainsi qu’agit «la grâce d’état» dans le mariage.

4. Mariés et consacrés dans l’Église

Même si nous les consacrés, comme je le disais au début, nous ne vivons pas la réalité du mariage, nous devons la connaître pour apporter notre aide à ceux qui la vivent. Et j’ajouterais: pour être, nous aussi, aidés par eux ! Lorsque l’apôtre Paul parle de mariage et de virginité, il dit : «Chacun a reçu de Dieu un don (chárisma) qui lui est personnel : l’un celui-ci, l’autre celui-là» (1 Cor 7, 7); c’est-à-dire : ceux qui sont mariés ont leur charisme et ceux qui ne se marient pas «pour le Seigneur» ont le leur.

Le charisme — dit l’apôtre — est «une manifestation particulière de l’Esprit en vue du bien commun» (1 Cor 12, 7). Appliqué aux relations entre époux et aux consacrés dans l’Église, cela signifie que le célibat et la virginité sont aussi pour les époux et que le mariage est aussi pour les consacrés, c’est-à-dire à leur avantage. C’est la nature intrinsèque du charisme, apparemment contradictoire: quelque chose de «particulier» («une manifestation particulière de l’Esprit») mais utile pour tout le monde («en vue du bien commun»).

Dans la communauté chrétienne, consacrés et mariés peuvent «s’édifier» mutuellement. Les mariés sont renvoyés, par les consacrés, à la primauté de Dieu et de ce qui n’est pas transitoire; ils sont initiés à l’amour par la parole de Dieu que ceux-ci peuvent mieux approfondir et partager avec les laïcs. Mais les consacrés aussi apprennent quelque chose des mariés. Ils apprennent la générosité, l’oubli de soi, le service à la vie et, souvent, une certaine «humanité» qui vient du dur contact avec les réalités quotidiennes de l’existence.

J’en parle par expérience. J’appartiens à un ordre religieux où, il y a une dizaine d’années encore, on se levait la nuit pour réciter l’office des «Matines» qui durait près d’une heure. La vie religieuse a connu un grand tournant, après le Concile. On disait que le rythme de la vie moderne – études pour les jeunes et ministère apostolique pur les prêtres – ne permettait plus de tels levers nocturnes qui interrompaient le sommeil, et peu à peu cette habitude fut abandonnée, à part dans quelque lieu de formation.

Quand, plus tard, le Seigneur, dans mon ministère, m’a fait connaître de près quelques jeunes familles, j’ai découvert une chose qui m’a secoué mais m’a fait du bien. Ces jeunes papas et mamans devaient se lever non pas une mais deux, trois, voire plusieurs fois, dans la nuit pour donner à manger à leur enfant, pour lui donner un médicament, pour le bercer s’il pleurait, veiller sur lui s’il avait de la fièvre. Et le matin, un des deux, ou tous les deux, à la même heure, vite au travail après avoir déposé l’enfant chez les grands-parents ou à la crèche. Par beau temps ou mauvais temps, problème de santé ou pas, il fallait pointer au travail.

Alors je me suis dit: si on ne fait rien, nous courons un grave danger! Sans le soutien d’une vraie règle de vie et une certaine rigueur dans les horaires et les habitudes, nous risquons de vivre une vie à l’eau de rose et d’avoir un cœur qui se durcit. Ce que les bons parents sont capables de faire pour leurs enfants, le degré de leur capacité à s’oublier pour s’occuper de leur santé, de leurs études et de leur bonheur, doit être la mesure de ce que nous devrions faire, nous, pour nos fils ou frères spirituels. On en a un bel exemple chez l’apôtre Paul qui disait vouloir «dépenser et se dépenser tout entier», pour ses fils de Corinthe (cf. 2 Cor 12, 15).

Que l’Esprit Saint, qui donne les charismes, nous aide tous, mariés et consacrés, à suivre concrètement l’exhortation de l’apôtre Pierre:

«Ce que chacun de vous a reçu comme don de la grâce, mettez-le au service des autres, en bons gérants de la grâce de Dieu […] Ainsi, en tout, Dieu sera glorifié par Jésus Christ, à qui appartiennent la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen!» (1Pt 4, 10-11).

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 14:41
La troisième méditation de Carême du père Cantalamessa

Le père Cantalamessa, lors de la méditation de Carême du 19 février 2016. - ANSA

04/03/2016 11:32

(RV) Voici une traduction complète de la méditation proposée ce vendredi matin, 4 mars 2016, par le prédicateur de la Maison pontificale, le père capucin Raniero Cantalamessa, devant le Pape François et les responsables de la Curie romaine.

Annoncer la Parole : L’Esprit Saint, l’agent principal de l'évangélisation

Nous continuons et terminons aujourd’hui nos réflexions sur la constitution Dei Verbum, c’est-à-dire sur la Parole de Dieu. La dernière fois, j’ai parlé de la "lectio divina", c’est-à-dire de la lecture personnelle et édifiante des Écritures. En suivant le schéma tracé par saint Jacques, nous avons dégagé trois opérations successives: accueillir la Parole, méditer la Parole, mettre la Parole en pratique.

Il en reste une quatrième, à laquelle nous voulons consacrer notre réflexion aujourd’hui : annoncer la parole. Dei Verbum parle brièvement de la place de choix que tient la Parole de Dieu dans la prédication de l’Eglise (DV, nr. 24), mais s’attarde d’autant moins dessus que le concile lui a consacré tout un document à part : le décret Ad gentes divinitus, sur l’activité missionnaire de l’Eglise.

Après ce texte conciliaire, le sujet a été repris et actualisé par le bienheureux Paul VI avec Evangelii nuntiandi, puis par saint Jean-Paul II, avec Redemptoris missio, et par le pape François avec Evangelii gaudium. M’imaginer pouvoir vous en dire plus serait stupide de ma part. Ce que l’on peut faire, par contre, vu l’approche donnée à ces méditations, c’est mettre en évidence quelque aspect plus directement spirituel du problème. Pour faire cela, je pars de la phrase du bienheureux Paul VI : «L’Esprit Saint est l’agent principal de l’évangélisation» [1].

1. Moyen et message

Si je veux diffuser une nouvelle, mon premier problème sera de savoir par quel moyen la diffuser: par la presse? Par la radio? Par la télévision? Le moyen est si important que la science moderne des communications sociales en a fait un slogan : «Le message c’est le medium» («The medium is the message») [2]. A présent, demandons-nous quel est le moyen primordial et naturel qui permet de transmettre la parole? C’est le souffle, la respiration, la voix, qui draine la parole formée dans le secret de mon esprit jusqu’à l’oreille de l’auditeur. Tous les autres moyens ne font que renforcer et amplifier ce moyen primordial que représente le souffle ou la voix. L’écriture vient après et suppose elle aussi "être dite", dans la mesure où les lettres de l’alphabet ne sont que des signes indicateurs de sons.

Eh bien la parole de Dieu suit cette même loi. Elle se transmet par le souffle. Et quel est, ou bien qui est, ce souffle, ou la rouah, de Dieu, selon la Bible? Nous le savons: c’est l’Esprit Saint ! Mon souffle peut-il animer la parole d’un autre, ou le souffle d’un autre peut-il animer ma parole? Non, seul mon souffle est capable de prononcer ma parole et seul le souffle de l’autre est capable de prononcer la sienne. Pour la parole de Dieu c’est pareil : celle-ci n’est animée que par le souffle de Dieu qui est l’Esprit Saint.

Nous touchons ici une vérité très simple et pour ainsi dire évidente, mais d’une portée immense. C’est la loi fondamentale de toute annonce et de toute évangélisation. Les nouvelles humaines se transmettent ou oralement, ou via radio, par la presse, internet et ainsi de suite; la nouvelle divine, en tant que divine, se transmet via l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est le vrai moyen de communication. Il est essentiel, car sans lui on ne perçoit du message que son revêtement humain. Les paroles de Dieu sont «esprit et vie» (cf. Jn 6,63) et ne peuvent donc se transmettre ou être reçues que «dans l’Esprit».

Cette loi fondamentale, nous la voyons se réaliser concrètement dans l’histoire du salut. Jésus commença à prêcher « dans la puissance de l’Esprit » (Lc 4,14 ss.). Lui-même déclara: «L’Esprit du Seigneur est sur moi... Il m’a consacré par l’onction, pour apporter la bonne nouvelle aux pauvres» (Lc 4,18). Le soir de Pâques, au Cénacle, quand Jésus est apparu aux apôtres, il leur a dit: «De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie.» Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : «Recevez l’Esprit Saint» (Jn 20, 21-22). En confiant aux apôtres le mandat de sillonner le monde entier, Jésus leur donne aussi le moyen d’y arriver – l’Esprit Saint – et il le donne d’une façon très significative : en Le soufflant en eux, avec son haleine.

Selon Marc et Matthieu, la dernière parole de Jésus aux apôtres avant de monter au ciel fut «Allez!»: «Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création» (Mc 16,15; Mt 28, 19). En lisant Luc, l’ordre final de Jésus semble dire le contraire: Restez! Demeurez! : «Demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut» (Lc 24, 49). Naturellement, il n’y a aucune contradiction; cela veut dire: allez dans le monde entier, mais pas avant d’avoir reçu l’Esprit Saint.

Tout le récit de la Pentecôte sert à montrer cette vérité. L’Esprit Saint vient et voilà que Pierre et les autres apôtres se mettent à parler fort du Christ crucifié et ressuscité. Et leur parole est si pleine d’onction et puissance que trois mille personnes en ont le cœur transpercé. L’Esprit Saint, venu sur les apôtres, se transforme en une impulsion irrésistible à évangéliser.

Saint Paul va jusqu’à déclarer : sans l’Esprit Saint il est impossible de proclamer que «Jésus est le Seigneur !» (1 Cor 12, 3), qui est le début et la synthèse de toute annonce chrétienne. Saint Pierre, lui, dit des apôtres qu’ils sont «ceux qui ont annoncé l’Évangile dans l’Esprit Saint» (1 Pt 1,12). Le mot «Évangile» se réfère au contenu, et l’expression «dans l’Esprit Saint» au moyen, ou à la méthode, à l’annonce.

2. Paroles et actions

La première chose à éviter quand on parle d’évangélisation c’est de penser qu’il s’agit d’un synonyme du mot prédication et donc réservée à une catégorie précise de chrétiens, les prédicateurs. Voyons, au contraire, ce que dit Dei Verbum sur la nature de la révélation:

«L’économie de la Révélation comprend des actions et des paroles intimement liées entre elles, de sorte que les œuvres, accomplies par Dieu dans l’histoire du salut, attestent et corroborent et la doctrine et le sens indiqués par les paroles, tandis que les paroles proclament les œuvres et éclairent le mystère qu’elles contiennent.» [3].

Cette affirmation remonte à saint Grégoire le Grand. «Notre Seigneur et sauveur, écrivait le saint docteur, nous enseigne tantôt par ses discours tantôt par ses actions» [4]. Cette loi, bonne dès les débuts de la Révélation, vaut aussi pour sa diffusion. Autrement dit, on n’évangélise pas seulement par la parole, mais par le geste et par sa propre vie avant tout; pas seulement avec ce que l’on dit, mais aussi avec ce que l’on fait et ce que l’on est.

C’était comme ça au début. La meilleure étude jamais réalisée sur la «mission et expansion du christianisme aux trois premiers siècles» est arrivée à la conclusion que «la seule existence et l’activité constante de chaque communauté furent le facteur principal de la propagation du christianisme» [5]. Je pense qu’en cette année de la miséricorde, il n’est pas mauvais de rappeler en quoi consistait cette «activité» chez les chrétiens. Car, outre l’aide fraternelle qu’ils s’échangeaient entre eux, il était aussi question d’ «œuvres miséricordieuses» à l’égard de tous: orphelins, malades, prisonniers. La force de ces initiatives était si évidente que l’empereur Julien, revenu à la religion païenne, voulut introduire le même genre d’institutions caritatives dans la société civile, et éviter ainsi qu’elles ne rencontrent du succès en milieu chrétien.

Il y a un dicton en anglais qui dit: «Les actes parlent plus forts que les mots»: «Deeds speak louder than words». Appliqué à l’évangélisation, le dicton revêt une signification particulière. Dans la même ligne va l’affirmation souvent répétée de Paul VI dans Evangelii nuntiandi: «L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins» [6].

Un soir, un des plus grands philosophes et moralistes du siècle dernier (pas nécessaire de donner son nom) se fit surprendre dans un local avec une compagnie peu édifiante. Un collègue lui demanda comment il pouvait concilier sa conduite et ce qu’il écrivait dans ses livres. Celui-ci répondit tranquillement: «Avez-vous déjà vu un panneau routier se mettre à marcher dans la direction qu’il indique?». Une réponse brillante, mais qui se condamne toute seule. Les hommes se moquent d’avoir des «panneaux indicateurs» qui, eux-mêmes, ne se déplacent pas d’un pouce.

J’ai un bel exemple de la force du témoignage, dans mon propre ordre religieux. Je ne crois pas que la profession de prédicateur soit ce que les capucins ont apporté de plus grand à l’évangélisation pendant ses cinq siècles d’histoire, mais sa clique de "frères laïcs", des hommes modestes et sans culture, travaillant comme portiers ou quêteurs. Des populations entières ont retrouvé ou entretenu leur foi grâce à eux. Une de ces personnes était le bienheureux Nicola da Gesturi, il parlait si peu que les gens le surnommaient "Frère silence", pourtant en Sardaigne, 58 ans après sa mort, l’ordre des capucins s’identifie encore à lui, ou à Ignace de Laconi, un autre saint frère quêteur de l’époque. La même chose se vérifia ici à Rome, aux débuts de l’ordre, avec saint Felix de Cantalice. Ces gens on montré la vérité de la parole que François d’Assise adressa un jour aux frères prêcheurs: «Pourquoi êtes-vous fiers de la conversion des hommes? Sachez qu’ils ont été convertis par mes modestes frères et leurs prières» [7].

Un jour, au cours d’échanges œcuméniques, un frère pentecôtiste me demanda – non pour polémiquer mais pour désir de comprendre – pourquoi nous les catholiques nous appelions Marie «Étoile de l’évangélisation». Cette question fut l’occasion pour moi de réfléchir effectivement à ce titre que Paul VI attribue à la Vierge, à la fin du document Evangelii nuntiandi. J’en ai tiré la conclusion suivante : Marie est l’étoile de l’évangélisation parce qu’elle n’a pas apporté une parole particulière à un peuple particulier, comme ont fait les grands évangélisateurs de l’Histoire, mais a apporté la Parole faite chair, l’a portée (physiquement aussi) au monde entier! Elle n’a jamais prêché, ni même prononcé plus de quelques mots, mais elle était si pleine de Jésus que, partout où elle allait, elle répandait son parfum, au point que Jean Baptiste avertit en elle la présence de Jésus du ventre de sa mère. Qui peut nier que la Vierge de Guadalupe a eu un rôle fondamental dans l’évangélisation et la foi du peuple mexicain?

M’adressant à un milieu comme la Curie Romaine, je pense qu’on peut mettre l’accent sur ce que peuvent apporter à l’évangélisation – et ils apportent déjà – ceux qui passent le plus clair de leur temps derrière un bureau à traiter des affaires qui n’ont apparemment rien à voir avec elle. S’il perçoit son travail comme un service à rendre au pape et à l’Église ; s’il renouvelle de temps en temps ses intentions et empêche que la carrière prenne le pas sur son cœur, le modeste employé d’une Congrégation aide bien plus à évangéliser qu’un prédicateur de profession dont le souci serait de plaire aux hommes avant de plaire à Dieu.

3. Comment devient-on des évangélisateurs

Si l’évangélisation est un engagement à la portée de tous, essayons de voir quels sont les critères et les conditions pour devenir d’authentiques évangélisateurs. La première condition, Dieu nous la suggère en disant à Abraham: «Quitte ton pays et va» (cf. Gen 12, 1). Il ne saurait en effet y avoir de mission ou d’envoi sans sortir. Nous parlons souvent d’une Église «qui sort». Mais il faut avoir conscience que la première porte dès laquelle il faut sortir n’est pas celle de l’Eglise, de la communauté, d’une institution, d’une sacristie, mais celle de notre "moi". Le Pape François, un jour, l’a bien expliqué: «Sortir, disait-il, signifie avant tout sortir du centre pour laisser à Dieu la place qui lui revient». «Décentre-nous de nous-mêmes et recentre-nous sur le Christ», dirait Teilhard de Chardin.

Plus fort encore que le cri lancé à Abraham, est le cri lancé par Jésus quand il demande à quelqu’un de collaborer avec lui à l’annonce du Royaume: «Pars, sors de toi-même, renie-toi! Ta vie changera, mon visage deviendra le tien. Car ce n’est plus toi qui vit, mais moi en toi.» C’est la seule façon d’arriver à bout de ce fourmillement de jalousies, convoitises, peur de perdre la face, rancœur, ressentiments, situations d’antipathie dont regorge le cœur du vieil homme; pour être «habités» par l’Évangile et répandre son parfum.

La Bible nous offre une image qui renferme plus de vérité que n’importe quel traité sur la pastorale de l’annonce: le récit du livre mangé qu’on lit dans Ezéchiel:

«Alors j’ai vu : une main tendue vers moi, tenant un livre en forme de rouleau. Elle le déroula devant moi ; ce rouleau était écrit au-dedans et au-dehors, rempli de lamentations, plaintes et clameurs. Et il me dit : "Fils d’homme, ce qui est devant toi, mange-le, mange ce rouleau ! Puis, va ! Parle à la maison d’Israël." J’ouvris la bouche, il me fit manger le rouleau et il me dit : "Fils d’homme, remplis ton ventre, rassasie tes entrailles avec ce rouleau que je te donne." Je le mangeai, et dans ma bouche il fut doux comme du miel.» (Ez 2, 9 - 3, 3; cf. aussi Ap 10, 2).

Il y a une différence énorme entre la Parole de Dieu, simplement étudiée et proclamée, et la Parole de Dieu d’abord "mangée" puis assimilée. Dans le premier cas on dit d’un prédicateur qu’il "parle comme un livre" ; mais ce n’est pas la bonne façon pour arriver au cœur des gens, car n’y arrive que ce qui part du cœur. «Cor ad cor loquitur», était la devise du bienheureux cardinal Newman.

En reprenant l’image d’Ezéchiel, l’auteur de l’Apocalypse apporte une variante, petite mais très significative. Il dit que le livre mangé était, oui, doux comme du miel dans sa bouche, mais amer comme le fiel dans les entrailles (cf. Ap 10, 10). Oui, car avant de blesser les auditeurs, la parole doit blesser l’annonceur, lui montrer son péché et le pousser à se convertir.

Ce n’est pas le travail d’un jour Mais il y a une chose que l’on peut faire en un jour, aujourd’hui même: accepter cette perspective, prendre la décision irrévocable, de ne plus vivre pour nous-mêmes, mais pour le Seigneur (cf. Rom 14, 7-9). Cela demande à l’homme des efforts d’ascèse mais pas seulement car intervient aussi la grâce, fruit de l’Esprit Saint. Comme dit la Prière eucharistique IV dans la liturgie : «Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à lui qui est mort et ressuscité pour nous, il a envoyé d'auprès de toi l’Esprit Saint, comme premier don fait aux croyants».

Pour savoir comment obtenir l’Esprit Saint en nous pour évangéliser, c’est simple. Il suffit de voir comment Jésus l’avait obtenu et comment l’Eglise l’obtint le jour de la Pentecôte. Luc décrit l’événement du baptême de Jésus en ces termes: «Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit, et l’Esprit Saint descendit sur lui.» (Lc 3,21-22). C’est la prière de Jésus qui a ouvert le ciel et fait descendre l’Esprit Saint. Et ce fut la même chose pour les apôtres. L’Esprit Saint, à la Pentecôte, vint sur eux quand «tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière» (Ac 1,14).

Les efforts que nous mettons dans ce nouvel engagement missionnaire ont face à eux deux risques à éviter. L’un c’est l’inertie, la paresse, ne rien faire et laisser les autres faire. L'autre c’est se lancer dans un activisme humain fébrile et vide, pour au final perdre peu à peu le contact avec la parole et la source de son efficacité. Ça serait courir à l’échec. Plus le volume des activités augmente plus le volume de la prière doit augmenté, en intensité si non en quantité. On réagit: c’est absurde; le temps est ce qu’il est! D'accord, mais celui qui a multiplié les pains, ne saura-t-il pas multiplier aussi le temps? Du reste, Dieu fait cela continuellement et nous en faisons chaque jour l’expérience. Après avoir prié, on fait les mêmes choses en y mettant moins de la moitié du temps.

On dit aussi: Mais comment peut-on rester prier tranquillement, comment ne pas courir, quand la maison brûle? C’est vrai aussi. Mais imaginez la scène: une équipe de sapeurs-pompiers a reçu un appel urgent et se précipite, toutes sirènes dehors, sur les lieux de l’incendie; mais, arrivée sur place, ils s’aperçoivent qu’il n’y a plus une goutte d’eau dans les réservoirs. C’est pareil pour nous, quand nous courons prêcher sans prier. Ce n’est pas qu’on ne trouve plus les mots ; au contraire, moins on prie plus on parle, mais ce sont des paroles vides, qui ne touchent personne.

4. Evangélisation et compassion

A côté de la prière, nous avons un autre moyen pour avoir l’Esprit Saint en nous, c’est en veillant à la pureté de notre intention quand nous prêchons le Christ. Car plusieurs causes peuvent la polluer. Saint Paul en cite quelques unes dans sa Lettre aux Philippiens: par commodité, par jalousie, par rivalité (Fil 1, 15-17). Mais il y a une cause qui renferme toutes les autres : le manque d’amour. Saint Paul dit : «J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante.» (l Cor 13,1).

L'expérience m’a fait découvrir une chose : que l’on peut annoncer Jésus Christ pour des raisons qui ont peu ou rien à voir avec l’amour. On peut annoncer par prosélytisme, pour trouver dans l’augmentation du nombre des adeptes une légitimation à sa propre petite église, en particulier si elle vient d’être créée ou si nous en sommes nous-même le fondateur. On peut annoncer, en suivant une phrase de l’Évangile à la lettre, pour apporter l’Évangile aux confins de la terre (cf. Mc 13, 10), en vue de compléter le nombre des élus et accélérer le retour du Seigneur.

Certaines de ces raisons ne sont pas forcément mauvaises. Mais seules, elles ne suffisent pas. Il manque cet amour véritable et cette compassion pour les hommes qui constitue l’âme de l’évangile. L’évangile de l’amour ne peut s’annoncer que par amour. Si nous ne nous efforçons pas d’aimer les personnes que nous avons devant nous, les paroles se transforment facilement en mains de pierre qui blessent et dont on se protège, comme quand on se met à l’abri d’une chute de grêle.

J’ai toujours sous les yeux l’enseignement que la bible, implicitement, nous donne avec l’histoire de Jonas. Dieu avait obligé Jonas à aller prêcher à Ninive. Mais les Ninivites étaient des ennemis d’Israël et Jonas ne les aimait pas. Il est visiblement content et satisfait quand il peut crier: «Encore quarante jours et Ninive sera détruite!». La perspective ne semble vraiment pas lui déplaire. Si ce n’est que les ninivites se repentent et Dieu leur épargne le châtiment. Alors Jonas entre en crise, et Dieu lui dit presqu’en s’excusant : «Toi, tu as pitié de ce ricin… Et moi, comment n’aurais-je pas pitié de Ninive, la grande ville, où, sans compter une foule d’animaux, il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ne distinguent pas encore leur droite de leur gauche?» (Jonas 4,10 s.). Dieu doit se donner plus de mal pour le convertir lui, le prédicateur, que pour convertir tous les habitants de Ninive!

Donc il nous faut aimer les hommes. Mais aussi et surtout aimer Jésus. C’est l’amour du Christ qui doit être le moteur. «M’aimes-tu vraiment ?» - dit Jésus à Pierre -. «Sois le berger de mes agneaux» (cf. Jn 21,15 ss.). Il faut aimer Jésus, car seul celui qui est épris de Lui peut proclamer son nom au monde, avec intime conviction. On ne parle avec transport que de ce dont est tombé amoureux.

En proclamant l’Évangile, par notre vie ou par la parole, nous ne donnons pas seulement de la gloire à Jésus, nous lui donnons aussi de la joie. S’il est vrai que «la joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus» [8], il est également vrai que ceux qui sèment l’Evangile remplissent de joie le cœur de Jésus. Ce sentiment de joie et de bien-être qu’une personne éprouve lorsqu’elle sent tout à coup que la vie recommence à couler dans un membre de son corps jusque là inerte ou paralysé, est un petit signe de la joie qu’éprouve le Christ quand il sent son Esprit redonner vie à quelque membre mort de son corps.

Dans la Bible il y a un mot que je n’avais jamais remarqué: «Fraîcheur de neige un jour de moisson, tel est le messager fidèle, pour qui l’envoie, vrai réconfort pour son maître !» (Prov 25, 13). L'image de la chaleur et de la fraîcheur fait penser à Jésus sur la croix qui crie: «J’ai soif!». C’est lui le grand «moissonneur» assoiffé d’âmes, que nous sommes appelés à réconforter en servant humblement et dévotement l’Évangile. Que l’Esprit Saint, «agent principal de l’évangélisation», nous accorde de donner à Jésus cette joie, en paroles et en actes, selon le charisme et la fonction qui reviennent à chacun de nous dans l’Église.

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26 février 2016 5 26 /02 /février /2016 22:33
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